Notre première vidange nous faisait un peu flipper, au point que nous l’avons faite après 330 heures de moteur au lieu de 250. Pourtant, ce n’est vraiment pas sorcier. Ci-dessous l’article que l’on aurait aimé avoir lu avant de commencer…
Pourquoi faire une vidange ?
Parce que l’huile perd de ses qualités avec l’utilisation, et ne remplit plus correctement son rôle : lubrifier les pièces en mouvement bien sûr, mais aussi les protéger contre la corrosion et aider à évacuer la chaleur. A en croire les spécialistes, une huile de bonne qualité et régulièrement vidangée est le critère numéro un de longévité d’un moteur, les numéros deux et trois étant de lui fournir du diesel non contaminé et de le laisser chauffer au ralenti avant de monter dans les tours.
A quelle fréquence doit-on vidanger ?
Personne ne semble d’accord sur le sujet. Ce qui est clair c’est qu’il faut la faire au moins une fois par an, mais pour le nombre d’heures moteur, il y a un flou artistique… La notice de notre moteur mentionne une vidange toutes les 150 heures (et un changement de filtre toutes les 300), mais ça semble vraiment fréquent en regard des délais habituellement conseillés. Marine diesel engines (notre bible sur le sujet, ci-contre) indique lui entre 100 et 250 heures. Un ami mécano nous a recommandé 300 heures, chiffre très souvent retrouvé sur Internet. En tout état de cause, une vidange coûte moins de 100€ (huile + filtre), et prend moins d’une heure quand on est rôdé (et qu’on dispose d’une pompe électrique), soit bien peu en regard d’un moteur cassé ou usé prématurément. L’huile synthétique est un peu plus chère mais permet en théorie de vidanger moins souvent. L’utilisation du moteur (uniquement les manœuvres de port vs de longues journées au moteur) a probablement aussi un impact sur la fréquence de vidange, mais il est difficile de savoir exactement lequel !
Quel type d’huile utiliser ?
Il existe deux types d’huile : minérale et synthétique. En simplifiant, la minérale est récupérée directement à partir d’hydrocarbures. C’est un produit « naturel » imparfait, auquel doivent donc être rajoutés de multiples additifs pour éliminer les impuretés, lutter contre les contaminants, et ajuster la viscosité. L’huile synthétique est faite « sur mesure » pour un usage dans nos moteurs. Elle est donc nettement plus efficace, et aussi nettement plus chère.
Peut-on passer de l’une à l’autre (voire les mélanger) ?
Oui ! Il existe d’ailleurs de l’huile semi-synthétique plus performante que la minérale et moins chère que la synthétique. Un seul détail, si on veut changer d’huile : l’huile minérale contient des résidus divers qui vont être décapés par l’huile synthétique, et se retrouver dans le filtre. En cas de passage d’une huile minérale à une synthétique, il faut donc prévoir de changer le filtre un peu plus tôt que d’habitude (par exemple 150 heures au lieu de 300).
10w40 ou 15w40
C’est là que j’ai découvert l’existence de Viscopedia, un wikipedia dédié à la viscosité de l’huile (ce n’est pas une blague). Contrairement à ce que j’ai lu à de nombreuses reprises, le 10 ne correspond absolument pas à une température de 10°C à laquelle l’huile se liquéfierait, mais à une norme assez complexe reliant la viscosité de l’huile à la température. Plus le chiffre est bas, plus l’huile peut être utilisée pour démarrer un moteur froid. En théorie, on utilisera donc plutôt de la 15w40 en Méditerranée, de la 10w40 en Angleterre, de la 5w40 en Norvège, etc. En pratique, le moteur étant à l’intérieur du voilier qui est souvent chauffé, pas sûr que ça change grand chose. D’autant plus que les valeurs sont assez extrêmes. Pour notre Yanmar 4JH2TE, le manuel précise qu’avec de la 10w, on ne doit pas démarrer le moteur en-dessous de -20°C, et vraiment au minimum à plus de -25°C . Bref, il y a de la marge !
Pour le deuxième indicateur, plus il est haut, plus le moteur sera correctement lubrifié à chaud. Ici, c’est le contraire du démarrage, l’huile risquerait de trop se liquéfier avec la température. Un indice élevé est le garant d’une huile qui restera visqueuse une fois le moteur en route. Avec de la 40, le manuel indique qu’il ne faut pas dépasser les 40°C de température extérieure, le moteur lui-même étant évidemment bien plus chaud, le diesel prenant feu à environ 400°C, et la température montant jusqu’à 2 700°C pendant le cycle de combustion Attention, le 40 de l’huile n’a rien à voir avec les 40°, c’est une coïncidence. Il y a là aussi peut-être quelque chose qui nous échappe, car il me semble que notre cale moteur peut atteindre ce type de température si on fait de la route…
NB : Pour comprendre les secrets de fonctionnement d’un moteur diesel, je vous recommande vivement la lecture de Marine Diesel Engines, j’y ai découvert une foule d’informations utiles et passionnantes.
Combien faut-il mettre d’huile dans le moteur ?
L’info est dans le manuel du propriétaire. Pour notre moteur, il indique 2.5 litres (effect),7 litres (max). Ce qui veut dire qu’il y a 2.5l entre les traits de jauge bas et haut, et 7l dans le moteur en tout, mais l’info est malheureusement inutilisable puisqu’elle correspond à un moteur installé « à plat », ce qui n’est pas le cas sur Lucy – ni j’imagine sur la plupart des voiliers, hormis ceux équipé d’un saildrive. En pratique, on se contente juste de remettre à peu près ce qu’on a enlevé, en ajustant à la fin avec la jauge. Pour nous, c’est 4.5 litres si on aspire tout ce qu’on peut en pompant depuis la jauge. En dévissant le boulon de purge tout en bas du moteur, on doit pouvoir en récupérer plus (on essaiera la prochaine fois !)
Quel modèle de pompe utiliser ?
On peut se servir d’une pompe manuelle, mais au prix de l’électrique (25€ sur amazon par exemple), pourquoi se priver ! Elle permet d’éviter de pomper une demi-heure dans une position acrobatique, voire de repousser la date de la vidange par flemme… Nous avons choisi d’installer la nôtre dans la cale moteur de manière permanente, afin de simplifier les vidanges ultérieures. . L’autre option, c’est d’utiliser une grosse pompe de vidange. En tout cas, oubliez la petite pompe double action, c’est inutilisable en pratique !
Quel est le matériel nécessaire pour faire une vidange ?
- Un bidon d’huile. Ne prenez pas pile la quantité nécessaire, vous aurez besoin d’un peu de rab jusqu’à la prochaine vidange si votre moteur « fait de l’huile », sans comptez celle que vous ne manquerez pas de verser à côté du carter d’huile
- Un entonnoir (cf point précédent). Le nôtre est vert, mais n’en déplaise à Sarah c’est tout de même un ento-noir…
- Un filtre à huile. Les ship ont des listes qui font correspondre le modèle exact du moteur au modèle exact de filtre. N’hésitez pas à en prendre quelques-uns d’avance, c’est vraiment un consommable
- Une clé à filtre (ou une super poigne)
- Un sac poubelle vraiment étanche de grande taille (ou une éponge, un rouleau de sopalin, du liquide vaisselle, et deux heures devant soi)
- Quelques feuilles de sopalin pour faire les niveaux
- Une pompe électrique (ou manuelle si vous êtes courageux)
- Un grand conteneur vide (bidon d’eau ou ancien bidon d’huile par exemple)
- Une balance de cuisine (optionnel, voir ci dessous)
- Le manuel du moteur, qui contient des informations précieuses (quantité d’huile, type d’huile, fréquence de vidange, modèle de filtre…)
Comment faire ?
- Vérifiez que vous ne risquez pas d’avoir besoin de votre moteur pendant les heures qui viennent. C’est bête à dire, mais la vidange se fait au port plutôt qu’au mouillage
- Vérifiez que vous avez tout le matériel nécessaire avec vous
- Faites tourner le moteur dix minutes pour chauffer l’huile, qui sera ainsi bien plus facile à pomper (notre pompe électrique refuse de s’amorcer sur de l’huile froide)
- Retirez la jauge à huile et enfoncez le tuyau de la pompe à sa place, tout au fond
- Ouvrez le bouchon de remplissage d’huile, qui servira d’évent pendant qu’on pompe. On peut faire sans, mais c’est plus long
- Pompez (ou appuyez sur l’interrupteur de la pompe)
- Une fois que c’est vide, il faut passer au filtre. Attention, celui-ci est rempli d’huile, et si comme sur notre moteur il est vissé horizontalement, ça va dégouliner sévère dès qu’on va commencer à le dévisser. C’est là que le sac poubelle est utile. Placez-le stratégiquement, et dévissez, à l’aide de la clé à filtre si nécessaire
- Vérifiez que le joint de l’ancien filtre est bien parti avec le filtre, sinon retirez-le (sous peine d’avoir des fuites)
- Plongez-le bout du doigt dans l’huile propre, et passez-le sur le joint du nouveau filtre. Lubrifier le joint permet une étanchéité parfaite. On fait d’ailleurs de même pour les filtres diesel
- Si votre filtre se visse en position verticale, remplissez le d’huile neuve avant de le remettre en place. Sinon, les premiers cycles de la pompe à huile rempliront le filtre au lieu du reste du moteur ; pas une catastrophe si le filtre est petit, mais autant l’éviter
- Vissez le filtre à la main, et quand vous n’y arrivez plus rajouter un quart de tour à la clé à filtre. Surtout pas plus, sous peine de nuire là encore à l’étanchéité et/ou d’avoir beaucoup de mal à le filtre dévisser à la vidange suivante
- Localisez le bouchon de remplissage d’huile (il est probablement jaune et marqué « OIL »). Sur certains moteurs, il y en a deux qui peuvent être utilisés indifféremment : choisissez le plus pratique et installez-y votre entonnoir
- Si votre bidon d’huile est intégralement opaque, pesez le avant de commencer. Il vous suffira de le re-peser en milieu de remplissage pour savoir où vous en êtes !
- Remplissez à peu près ce que vous avez pompé en rajoutant la contenance du filtre à huile. Attention, la viscosité de l’huile est assez déroutante la première fois, et vous allez sans doute en mettre à côté, à moins d’avoir un très grand entonnoir. Il faut mieux en mettre trop peu que trop, car il est plus simple d’en rajouter que d’en enlever (il faut repomper !)
- Attendez 5 minutes que l’huile se répande dans le circuit, et faites vos niveaux. Complétez jusqu’au trait du haut de la jauge
- Faites tourner le moteur dix minutes au ralenti, afin que l’huile se répande encore mieux. Normalement, l’alarme « oil » va sonner une dizaine de secondes, puis s’éteindre
- Repompez un peu d’huile en circuit fermé (jauge->carter) pour nettoyer la pompe avec de l’huile propre. Certains suggèrent de prendre de l’huile directement dans le bidon, mais je ne vois pas comment c’est possible avec de l’huile froide. Peut-être en laissant le bidon au soleil ?
- Refaites les niveaux et complétez l’huile éventuellement manquante
- Dernière étape, jetez l’huile et le filtre usagés. La plupart des ports ont un bidon spécial pour l’huile, et un container pour le plastique contaminé.
- Notez dans votre livre de bord le nombre d’heures moteur, le type et la quantité d’huile utilisée
Si vous relevez des erreurs dans cet article, n’hésitez pas à commenter ci-dessous. La mécanique n’est pas (encore) notre domaine d’expertise, et on n’aimerait pas colporter de fausses informations !
très bon moteur j’ai eu sur mon premier voilier un 4jhhte qui avait 17000 heures (dix sept mille) une vidange toute les 250 h les filtres aussi et un gros décanteur , avant de le perdre dans un naufrage ,
j’ai mon voilier un petit prince a Port Vendres , y êtes vous passés ?
j’ai vécu 25 ans à bord ; en meditérranné et atlantique en famille au début puis en solo .
On espère que le nôtre durera aussi longtemps (2162h au compteur pour l’instant), et aussi qu’il aura une fin moins tragique ! 25 ans à bord … on est vraiment des débutants 🙂 On a prévu de passer à Rosas et de couper directement vers Marseille, mais si on change nos plans on vous fait signe !
Très belles explications, et parfaitement décrites dans le timing à respecter.
Bravo !
Seule remarque : lorsque c’est possible
– en fonction du positionnement du filtre à huile sur le bloc moteur
– selon la capacité du filtre. Absolument impératif sur les filtres à grande capacité
Toujours pré remplir au maximum votre filtre d’huile neuve avant de le visser.
Lors du redémarrage du moteur, les premiers cycles de vos cylindres sans graissage sont mortels pour les chemises comme pour les pistons… Usure prématurée obligée. Avant que l’huile ne remonte dans les canaux, il s’en passe des va et vient…
Cela permet de réduire au minimum cette absence de graissage sous pression des bielles, pistons, soupapes, pompe à eau, paliers du turbo…
Autre remarque :
Pour les moteurs de faible cylindrée et faible puissance (< 60 cv), il est recommandé de vidanger toutes les 50 à 100 h, et au minimum une fois par an. Aussi lorsque le moteur sert peu durant la saison (entrées et sorties de port uniquement, régates…) inutile d'utiliser de l'huile de super qualité, car il faudra la jeter de toute façon alors que ses pouvoirs lubrifiants seraient toujours bons.
En grande croisière c'est différent. Et encore cela dépend de l'efficacité et de la complémentarité de vos sources d'énergies à bord, mais aussi du niveau d'équipement et de la taille du voilier.
Tout un chapitre…
C’est vrai qu’on ne s’est pas posé la question du remplissage du filtre car c’est impossible sur notre moteur (le filtre se visse à l’horizontale), mais je vais le rajouter pour ceux qui auraient plus de chance de ce côté.
Je vois la logique de l’huile milieu de gamme pour les moteurs peu sollicités, mais je ne vois pas trop l’impact de la cylindrée (et je me sens d’autant plus concerné que notre moteur fait 63cv, pile à la limite que vous indiquez donc!). Pouvez-vous expliquer le pourquoi du comment ?
Merci beaucoup pour les précisions en tout cas !
Merci pour la photo qui va me permettre de demander à mon épouse de s’y mettre pour la prochaine vidange ! avec votre tuto ça devrait être sans problème !
Hello,
Très bon article où je vois qu’on loupe toujours quelque chose.
Juste une remarque : mon mécano m’a préconisé de l’huile minérale « pas d’huile de synthèse dans nos moteurs… »???
A confirmer … ou pas.