De Porto Vecchio à Marseille 2


Mon dernier article nous a laissés en Corse avec un trou dans la coque; nous sommes maintenant aux Baléares avec une coque toute propre : j’ai donc pas mal de retard à rattraper, la faute à trois semaines de travaux assez intenses !

Julie et Pierre ayant choisi le Nord-Est de la Corse pour convoler, nous devons faire tout le tour pour les retrouver, et comme le Mistral rend en général très compliqué le tour dans le sens horaire, nous optons pour le passage des bouches de Bonifacio et la remontée le long de la côte Orientale. La côte Ouest, que nous commençons à bien connaître, est bardée de petites criques dans tous les sens, tandis que celle que nous nous apprêtons à parcourir semble avoir été tracée à la règle : entre Porto-Vecchio et Bastia, une grande ligne droite sans aucun abri, hormis deux ports, Solenzara et Port-Taverna.

Après une navigation très agréable depuis Ajaccio, à peine obscurcie par notre petit souci d’intégrité de la coque, Eole  continue à nous gratifier d’une agréable brise qui nous pousse jusqu’aux Iles Lavezzi, où nous passons la nuit. Les guides font grand cas de l’endroit, mais en pratique ce sont surtout des cailloux avec des oiseaux, et nous ne sommes pas particulièrement sensibles au charme de ces îles. La météo étant toujours parfaite pour repartir, c’est de bonne heure que nous nous remettons en route, direction la baie de Porto-Vecchio, dernier bon abri sur la côte avant longtemps. Nous comptons y attendre la fenêtre météo idéale pour remonter d’une traite jusqu’à Port Taverna. Nous mouillons dans une crique magnifique, encadrée de montagnes, un véritable paradis. Enfin, sauf quand les skis nautiques sont de sortie … les semi-rigides n’hésitent pas à passer à moins de 5m de nous pied au plancher … c’est super désagréable, et surtout super dangereux … du coup, nous n’osons même pas lâcher notre échelle de bain une fois dans l’eau, de peur de nous faire découper en deux par un de ces fous du volant … Heureusement, le vent se lève, et ces infâmes engins sont remplacés par de douces planches à voile qui sillonnent le plan d’eau avec calme et volupté ! Le répit sera toutefois de courte durée puisque les Canadairs passent leur après midi à amerrir non loin, et nous survolent à basse altitude dans un vrombissement rauque ; inutile de préciser que nous avons plus de sympathie pour ces derniers !

Les Canadairs s’entraînent pour faire face aux (trop) nombreux incendies estivaux

La remontée vers le Nord se fait sous Spi et en un temps record. J’ai du coup l’occasion de constater que la manœuvre est assez facilement réalisable en solo d’une part, et que l’emplacement de nos diverses poulies de réglage n’est pas du tout optimal (pour les lecteurs avertis, notre drisse est en pied de mât, notre bras dans le cockpit, et notre point d’amure se règle au niveau du bout dehors…. Pas idéal, mais pas très haut sur la liste des travaux qui se profilent …)

Port Taverna n’a pas grand intérêt, mais le club de plongée du coin loue des voitures, ce qui en fait une bonne base pour visiter la région, et voilà qui tombe bien pour nous qui avons prévu un petit tour dans la mairie et dans l’église de Campile, perché dans les montagnes. La côte Corse est bien sûr splendide, mais ce n’est qu’en grimpant un peu qu’on comprend pourquoi on la surnomme « l’Île de beauté ». Les vallons se succèdent à perte de vue, couverts de châtaigniers et d’un épais maquis. Tout est vert, marron et gris. Il y a bien quelques maisons perdues ici ou là, mais la nature semble encore presque vierge. Au loin, les montagnes se détachent sur un ciel où quelques nuages semblent égarés, tandis que les collines ont droit à un arrière plan azuré et infini. Bref, c’est très beau !

Un mariage Corse, c’est aussi les locaux qui tirent en l’air pour célébrer la noce, et les deux heures de route de montagne (aller-retour) qui séparent le vin d’honneur de la réception. Par miracle, ni les virages alcoolisés ni les balles qui finissent par retomber ne viennent gâcher la fête. Sarah est très heureuse de retrouver ses amis, et Elaya a le bon goût de dormir durant toute la cérémonie à l’église. Le lendemain, un brunch est organisé sur la plage, et c’est en bateau que nous nous y rendons. C’est là qu’on se rend compte qu’une proportion non négligeable de nos interlocuteurs de la veille n’a pas vraiment réalisé que nous vivions sur un voilier ! Nous resterions bien un peu plus longtemps, mais nous avons rendez-vous avec Christophe, Marie et Pauline qui ont loué un petit voilier à Macinaggio, plus au Nord. Nous ferons route avec eux jusqu’à Calvi, toujours poussés par une brise qui souffle systématiquement dans le bon sens depuis plus de deux semaines.

Arrivée en bateau au brunch des mariés !

Nous aimons bien sûr avoir des amis à bord, mais une semaine semble la durée maximale que nous sommes prêts à supporter. Sur un bateau, la promiscuité est de mise, et le moindre petit désaccord peut rapidement rendre l’atmosphère irrespirable. La saleté, la cuisine, les heures de sommeil, tout peut facilement tourner au vinaigre (j’ai lu quelque part qu’on devrait toujours partir une semaine en croisière avec sa fiancée avant de se marier…). Voyager avec des copains qui ont leur propre bateau, c’est les avantages de l’apéro tous les soirs sans étouffer ! Je précise ici à tous nos amis qui nous lisent qu’ils ne sont bien entendu pas concernés par cette description un peu noire …

Le voilier de loc’ qui héberge nos amis pour la semaine !

A Calvi, nous retrouvons ma mère et son amie Manuelle, avec qui nous avons prévu de regagner le continent. C’est le moment que la météo, si favorable jusqu’ici, choisit pour nous bloquer. La crique où nous mouillons à l’est de Calvi est jolie et abritée, mais le vent lève des vagues qui rendent la baignade un peu désagréable, et toute expédition en annexe vers la côte assez périlleuse (J’en ai fait l’expérience lors d’un aller-retour jusqu’au port : heureusement un gros Zodiac a vu ma détresse et m’a pris dans son sillage !).

Mouillage dans la baie de Calvi, bien abrité du coup de mistral

La traversée Corse-continent n’est pas idyllique : d’abord, une mer formée, un bateau au près, mais pas assez de vent pour vraiment avancer, et puis de la pétole jusqu’à Marseille, le tout sur 36 heures. On a juste droit à une poignée d’heures agréables en milieu de parcours… Il parait que les retours de Corse se passent rarement mieux, mais au moins nous n’avons rien cassé et personne n’a été malade, on se console comme on peut !

Ca nous fait tout drôle de nous retrouver à nouveau au Vieux Port ; à chaque fois, on lui fait nos adieux irrévocables et définitifs, mais Lucy y semble comme attirée. Cette fois-ci, bien sûr, c’est vraiment la dernière ; prochaine étape, Port-St-Louis du Rhône où nous comptons sortir le bateau de l’eau pour notre grande opération de maintenance annuelle (dont nous avons le vague espoir qu’elle puisse avoir lieu plutôt tous les deux ans), et ensuite cap au Sud, les Baléares nous attendent !

 


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2 commentaires sur “De Porto Vecchio à Marseille

  • Raph

    Hello les aventuriers des flots!

    Je lis votre prose avec assiduité et attention depuis que j’ai appris l’existence de ce blog, et je voulais vous dire combien c’est super chouette de prendre le temps d’écrire tout ça.
    Pour nous, Mutins à terre, c’est chouette de vous suivre et d’avoir de vos nouvelles bien-sûr, mais tout aussi chouette de lire les trucs et astuces du castor-voilier, ou encore ces billets décrivant entre les lignes le virage à 180° pris par rapport à vos anciennes vies parisiennes!

    Note sur les Lavezzi : vous dites ça parce que vous n’êtes pas descendu à 20 mètres de prof pendant une heure. J’ai un souvenir assez magique d’un site de plongée constitué de 3 arches remplies de mérous et de magnifiques voutes de gorgones (il y a de ça 15 ans, ils ont peut être disparu depuis).

    En tous cas continuez de nous donner des news, on adore ça. Et vivement notre prochaine rencontre, sur le voilier ou au Lopin.

    • B Auteur de l’article

      Hello 🙂
      En effet, on a pas vraiment regardé les fonds ; j’ai juste plongé sous notre bateau pour regarder notre ancre et n’ai rien vu de particulier, à part l’ancre du voisin posée à l’envers (un classique…)

      On attend avec impatience un blog du Lopin Mutin (sérieusement, vous y avez pensé ? Ce serait top !)

      A bientôt, ici ou ailleurs !