La côte portugaise en novembre est fantômatique. Il fait nuit à 17h, et les rues sont désertes bien avant. Les marinas aussi sont comme abandonnées, avec souvent une permanence d’une heure ou deux pour toute la journée. Pour nous qui avions pris l’habitude de sympathiser avec les bateaux voisins et de prendre des apéros tous les soirs, c’est un sacré changement. Les villes mortes se suivent et se ressemblent, et nous n’y faisons en général pas de vieux os. Viana do Castello, et bien sûr Porto, seront les deux exceptions sur la longue route qui nous mène à Lisbonne.
De la première, nous retiendrons surtout la magnifique cathédrale, Santa Luzia, surplombant l’océan, desservie par un vieux funiculaire qui n’a probablement pas vu un habitant local depuis des décennies. Nous la verrons doucement s’éteindre pendant plus de 30 milles dans notre sillage quelques jours plus tard. Devant l’église, deux photographes munis d’antiques appareils à chambre noire semblent attendre un hypothétique car de touristes japonais. La vieille ville piétonne est assez charmante, comme souvent, mais rien d’exceptionnel non plus au programme. Et surtout, les rues sont vraiment vides. Nous pensions apprécier l’absence de touristes, mais n’avions pas vraiment compté sur l’absence d’habitants !
Porto est magnifique, et nous nous offrons un tour jusqu’en centre-ville à bord de Lucy sous un soleil couchant. Le Duro est surplombé par la ville, et le spectacle est à couper le souffle : nous en oublierons même de prendre des photos. Le vieux ponton qui nous a été indiqué par un marin à la retraite croisé plus au Nord est envahi de vedettes à touristes, et nous n’y tentons pas notre chance. Au retour vers l’embouchure du fleuve, l’une d’elles nous dépasse en jouant de sa sirène, et Sarah est prise d’un fou rire quand elle entend notre petit klaxon un peu ridicule répondre. Nous laissons Lucy sur l’autre rive, à la Douro marina, située dans un petit village de pêcheurs, Alfurada, au centre duquel trône un lavoir encore en activité. Porto est pleine de vieilles ruelles et de chats, et nous nous laissons piéger à de nombreuses reprises par le labyrinthe et les félins. Le soleil se couche tôt, et il commence à faire frisquet dès la nuit tombée. Nous qui pensions trouver un été permanent dès le Portugal, c’est le moment de se rappeler que Porto est à la même latitude que New York.
Notre prochaine étape, Figueira de Foz, nous rappelle des souvenirs : nous y avions fait une arrivée un peu mouvementée en mai dernier. Cette fois, de jour, sans vent ni courant, et avec une carte à jour, tout est plus simple. Ici encore, les voiliers avec lesquels nous partageons le ponton semblent déserts. A la recherche de la poste locale, les habitants à qui nous demandons notre chemin nous regardent avec méfiance ou nous ignorent carrément, et nous ne comprenons pas ce qui cloche. Nous n’avons quand même pas l’air de vagabonds… Nous finirons par tomber sur une grand-mère qui fera un détour de 5 minutes pour nous accompagner à notre destination, rachetant avec sa gentillesse l’attitude glaciale de ses compatriotes. Nous trouverons quand même un pub (désert bien sûr) pour regarder PSG-Arsenal aux côtés d’un life-guard local, un peu désabusé par la défaite de son équipe une heure plus tôt.
Un peu plus au sud, Nazaré est une station balnéaire bouillonnante pendant l’été, mais l’eau à 17° n’attire pas grand monde en Novembre. Nous y verrons tout de même un voilier des plus étranges, apparemment occupé, mais nous n’arriverons pas à croiser son propriétaire malgré quelques tentatives. La balade le long de la plage est très agréable, et la vue sur les falaises qui encadrent la ville est splendide. Notre première nuit au port sera marquée par une belle tempête, et nous sommes bien contents d’être planqués derrière des digues plutôt qu’en mer. Le lendemain, la mer est traversée de nappes marron, peut-être liées au canyon sous-marin de Nazaré, responsable des plus haute vagues côtières du monde : 30 mètres !
Enfin Péniche, d’où j’écris ces lignes, est surplombée d’une splendide citadelle phénicienne, que nous pûmes visiter après avoir erré une heure dans les docks glauques et désertiques du port de pêche, à la recherche de l’officine gérant les formalités d’arrivée le week-end en basse saison. A notre retour, ce furent les douanes qui décidèrent de nous contrôler, ou plutôt de recopier religieusement nos papiers dans un classeur manuscrit qui ne sera probablement jamais rouvert. Les deux douaniers ne parlant que leur langue maternelle (ils ne savaient même pas dire « douane » en français ou en anglais !!!), ils ont probablement eu la flemme de nous faire comprendre qu’ils voulaient monter à bord.
Nous partons demain pour Cascais, ou nous avons rendez-vous pour faire réparer notre nouveau pilote Garmin (aka Edgar). Après ça, nous continuerons vers le sud, à la recherche du soleil et des gens, les deux devant bien se cacher quelque part…
Il est pas croyable ce bateau, dommage de ne pas avoir pu échanger avec le propriétaire!
Passionnant votre blog. Merci du partage.
Oui, le pire c’est qu’on l’a vu sur son bateau alors qu’on venait d’appareiller, ça c’est joué a pas grand chose 🙁
et merci pour les compliments, ça nous va droit au cœur !