Bon, bien sûr, avec ce titre, il y a du suspense, mais que les mamans se rassurent, tout le monde (y compris Lucy) va bien !
Le dernier article nous a laissés à Ajaccio, où nous devions récupérer la mère de Sarah, qui vient plutôt en qualité de grand-mère, accompagnée de son ami. Le problème, c’est que son arrivée est prévue en plein milieu d’un épisode assez venté, et aussi très houleux. Il y a des vagues de 3m sur la côte, et nous apprendrons plus tard que la préfecture a interdit temporairement la baignade autour de Figari … je plains ceux dont c’était l’unique semaine de vacances ! Nous décidons donc de les récupérer dans un endroit abrité de la houle d’Ouest (comme le port d’Ajaccio) et où tout le monde aura plaisir à rester bloqué quelques jours (pas comme le port d’Ajaccio).
Je vous ai déjà parlé de l’anse de Roccapina et de son lion dans un précédent billet. Peut-être même avais-je mentionné que son principal défaut et d’être infestée de guêpes, très désagréable de manière générale et carrément dangereux avec un bébé, mais cette fois, nous sommes équipés. Nous avons prévu une immense moustiquaire pour englober l’intégralité du cockpit y compris la descente. Ainsi, nous devrions pouvoir vivre à l’intérieur comme à l’extérieur sans craindre ces satanés insectes. Grâce au renfort de nombreuses pinces à linge et de quelques poids de plongée, l’installation s’avère presque simple, et nous voilà parés !
Colette et Jean-Michel ont pu changer leur avion pour Figari au lieu d’Ajaccio. La piste qui mène à l’anse de Roccapina, habituellement refusée par les taxis pour cause d’ornières de 50cm a été refaite il y a une semaine. Contrairement à nos craintes, nous avons même vaguement du réseau. Bref, les astres sont alignés, et après un aller-retour en annexe au milieu des baigneurs un peu folklorique, voici nos invités à bord. Le doigt sur le coupe circuit et au ralenti, puis moteur arrêté dès que j’ai eu pied, rétrospectivement j’aurai bien mieux fait d’y aller à la rame !
Le lendemain matin, je dépose Jean-Michel à terre pour une petite randonnée, appareil photo en bandoulière (les photos de ce billet sont de lui). Le ciel est couvert (une première depuis notre arrivée en Corse), le Mistral a refroidi la mer, et la plage est ventée et déserte. C’est donc au moteur que je le dépose, et au moteur que je le récupère quelques heures plus tard, non sans un quasi-chavirage dû à une vague scélérate et déferlante de plus de 50cm de haut ! Il nous raconte être grimpé tout en haut (toujours le fameux lion), puis être redescendu de l’autre côté vers l’immense plage de Roccapina avant d’en être expulsé manu militari. Il paraît que le domaine est privé .. moi qui étais persuadé que le littoral (et donc les plages) ne pouvaient être privatisés …
Le jour suivant, le vent s’est pas mal levé, et un voilier a évité juste derrière nous ; il est à peine à 10m, et nous nous tâtons à remouiller ailleurs car la baie est déserte. Pourquoi a-t-il donc décidé de venir mouiller pile dans « notre » coin ? Nous avons bien fait d’être feignants, car au bout de quelques heures il était à une bonne cinquantaine de mètres. Je lui crie qu’il a dérapé, mais lui me fait des grands signes et semble m’expliquer que c’est celui qui le dit qui y est ! Je n’entends rien car le vent porte vers lui, mais en tout cas il retourne tranquillement dans son bateau !
Petite note pour ceux qui n’ont pas l’habitude des mouillages : quand il y a du vent, le bateau est poussé, mais retenu par son ancre, et il se retrouve donc face au vent (on dit bout-au-vent pour que les terriens ne nous comprennent pas trop facilement). Plus ça souffle, plus la chaîne se tend, et on peut donc reculer de quelques mètres (le théorème de Pythagore dira de combien aux plus curieux). Si l’ancre ne tient pas bien, elle se décroche du fond, et se raccroche dans le meilleur des cas un peu plus loin : on dit que le bateau dérape, et forcément, poussé qu’il est par les rafales, il dérape toujours dans le sens du vent ; il est absolument impossible qu’un bateau dérape dans l’autre sens. Bref, c’était forcément lui ! Il remontera d’ailleurs son mouillage peu de temps après pour aller remouiller plus loin, se rendant finalement à l’évidence.
La remontée vers Ajaccio n’est pas très agréable : il y a encore un peu de houle mais plus du tout de vent, et c’est donc au moteur que nous remontons. Sur la route, nous voyons une forme bleu ciel dans l’eau. Elle est pile sur la route d’une vedette à moteur qui fait un détour pour l’éviter … C’est un petit canot de plage de 2m de long, traînant sa chaîne cassée à l’arrière. Nous notons les coordonnées GPS, remontons l’embarcation à bord après plusieurs tentatives d’approche – c’est là qu’on se dit que l’homme inconscient à la mer, il vaut mieux éviter – et appelons le CROSS pour leur faire part de notre trouvaille (le CROSS, c’est l’organisme qui coordonne les secours en mer en France). On ne leur a rien signalé, et tout indique que c’est un canot inoccupé sur un corps mort qui a rompu sa chaîne et est parti vers le large. Il n’y a pas d’immatriculation, et le CROSS nous informe donc que nous avons gagné un bateau, et que c’est à nous de nous en débarrasser si nous n’en voulons pas, en évitant si possible de le rejeter à la mer. Finalement, tout s’est bien goupillé puisque des pêcheurs qui flânaient juste à côté de notre place au port ont été ravis de profiter de l’aubaine ! (je dis flânaient parce que je ne peux pas dire que des pêcheurs pêchaient sans me faire disputer par la rédac chef du blog, mais vous voyez l’idée).
J’en viens enfin au trou dans la coque. Nous quittons le port Charles Ornano, probablement pour la dernière fois. La manœuvre est simple : nous lâchons l’amarre qui nous relie à la bouée à l’étrave, un Zodiac du port la récupère, écarte la bouée pour nous laisser passer, nous rend notre amarre, et nous voilà en route. Sauf que cette fois, le Zod décide de rester en place, et en plein sur notre route, au lieu de gérer la bouée. Nous avons donc non pas un mais bien deux obstacles à éviter. A la fin de la manœuvre, le mec nous a même limite engueulés parce qu’on avait foiré notre manœuvre, on croit rêver !
La nav est très agréable, d’abord au près à plus de 6 nœuds, puis au portant à 4 nœuds jusqu’à la Cala di Conca. Il y a juste un léger problème, notre propulseur refuse de remonter, ou plutôt, la petite diode verte qui signale sa remontée refuse de s’allumer. Ce n’est pas la première fois qu’il fait des siennes, et nous ne sommes donc que modérément inquiets, mais inquiets tout de même. Sitôt mouillés, je me mets donc à l’eau pour regarder et … il y a bien un trou béant dans la coque.
Notre propulseur est téléscopique. En position haute, on ne voit rien ; en position basse, un bloc composé de l’hélice et d’un morceau de coque descend d’une trentaine de centimètres. L’hélice est toujours là, mais pas la coque. Bref, ce n’est pas très grave puisque tout ça est étanche, mais il faut qu’on répare. Si on est chanceux, le morceau manquant est au fond du port au pied de la bouée, et récupérable.
A chaque fois que l’on fait tomber quelque chose au fond d’un port, Fabien semble toujours être dans le coin ; c’est vraiment un sacré coup de pot, car on se voyait déjà mandater un plongeur pro à distance pour essayer de retrouver notre petite plaque de tôle. Malheureusement, après une heure passée au fond d’une eau qu’on imagine moins sexy que son cadre de plongée habituel à Mayotte, le verdict tombe : rien ; ou plutôt, et comme souvent au fond des ports, tout, sauf ce que nous cherchions.
A priori, le morceau de coque perdu n’a aucun impact sur l’étanchéité : il est juste là pour l’hydrodynamisme, et peut-être marginalement pour protéger le propulseur. On se demande dans quelle mesure il n’évitait pas aussi un peu la prolifération marine autour de l’hélice. Bref, c’est pas la cata, mais il faut quand même qu’on s’en occupe, et c’est une ligne en plus sur la longue liste de bricolages à faire une fois le bateau à sec (carénage, service de la dérive et de l’hélice, changement des anodes et de la bague hydrolube, installation d’un coupe-orin sur l’arbre, dégrippage du speedo …)
Nous qui hésitions à attendre d’avoir quitté la côte d’Azur et ses prix délirants pour caréner (530€ pour sortir un 43 pieds de l’eau à Port St Louis du Rhône, et il parait que c’est loin d’être le plus cher), cette petite mésaventure achève de nous convaincre, d’autant plus que Bruno et Sylvie ont prévu d’hiverner leur voilier là bas au même moment. Bref, rendez-vous est pris pour une sortie de l’eau mi septembre. D’ici là, nous avons un mariage dans les montagnes du Nord-Est Corse, des amis à retrouver sur leur bateau de loc, et une traversée vers le Continent (comme on dit ici) à boucler !